Acteurs
Qui sont les acteurs majeurs qui composent le marché du sport en entreprise ?
Certains, comme les fédérations ou quelques agences d'événementiel, sont présents depuis plusieurs décennies. D'autres se sont immiscés beaucoup plus récemment sur ce marché de niche en pleine structuration. Et si la pratique du sport sur le lieu de travail reste modeste en France et concerne, faut-il le rappeler, une minorité de salariés, la présence de différents types d’acteurs comme des sociétés privées, des fédérations, des associations
ou des travailleurs indépendants (qui constituent les offreurs) indique que la demande est réelle. Cet avènement de prestataires explique – mais nourrit aussi – une croissance relativement linéaire de la pratique sportive en entreprise. Ils sont en effet nombreux à surfer sur la tendance du « bouger en entreprise », soit en s’en faisant une spécialité, soit en abordant ce marché de manière plus périphérique en diversifiant leurs activités premières. Tour d'horizon des principaux acteurs.
Les prestataires privés
Une multitude de sociétés privées se déclarent capables de fournir une offre de services à des professionnels.
On peut grossièrement en identifier 6 types :
1// Les concepteurs et gestionnaires de structures de remise en forme
Eux, ce sont des spécialistes ; enfin, ils se positionnent en tant que tels. Leur job : la conception, l’aménagement et l’animation d’espaces sportifs au cœur des entreprises. En France (on devrait plutôt dire en Île-de-France), un nombre réduit d’acteurs se dispute ce marché très exigu :
* le CMG Sports Club Corporate
* The Corporate Gym (qui revendique une position de leader en Europe avec 50 centres)
* Wellness Training qui se positionne plus volontiers sur le wellness
* Fitness Corporate
* ClinicProSport
2// Les agences événementielles
Il faut dissocier les agences événementielles sportives des agences spécialisées dans les incentives à destination des salariés.
Les premières, apparues pour la plupart au tournant des années 2000, ont fait du sport leur spécialité et leur principale source de rétribution. Créées la plupart du temps par des sportifs passionnés, elles s’appellent Aevent, Derby, HK Sports, Infiniment Sport, Just4sport, Quarterback, Team Tonic Services...
Les deuxièmes se posent en ultra-spécialistes de l’incentive et des stages de team building – comme Duprat Concept, EPS Organisation, Evolution 2 Events, Extrem Aventura, Incenteam, Magma Group, Sport Aventure ou 2ISD – qui prennent le sport, mais aussi parfois d’autres outils comme la musique ou l’art, comme supports pédagogiques de leurs activités de formation.
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3// Les coachs sportifs
Issus bien souvent des filières STAPS et/ou titulaires de diplômes de type brevets professionnels leur permettant d’encadrer différentes activités, les coachs sportifs trouvent dans ce marché de quoi assouvir leur passion et compléter les activités qu’ils exercent par ailleurs auprès du grand public (en tant que personal trainer à domicile par exemple). Il n’est pas rare que des professeurs de fitness embauchés par une salle privée effectuent quelques piges dans des entreprises. Parfois, ces coachs opèrent en free-lance et peuvent s’adresser spécifiquement aux professionnels du monde de l’entreprise, même si la réalité de ce secteur en cours de structuration montre qu’il est difficile d’en faire son activité principale, en tout cas en province.
4// Les gestionnaires d'équipements sportifs
Ils n'ont rien à voir a priori avec le marché du sport en entreprise. Pourtant, parce qu’elles sont propriétaires/gestionnaires de structures sportives adaptées, elles attirent entreprises et salariés soucieux de pratiquer des activités souvent originales dans un cadre atypique.
Complexes hôteliers dotés d’un équipement sportif, bases de plein air et de loisirs, parcs aventure, clubs privés de golfs ou de tennis, stations de ski, etc. : de multiples structures touristiques ont échafaudé une offre spécifique – avec des prestations et des services adaptés – à destination des professionnels (entreprises, comités d’entreprise, administrations, etc.). Combien de centres de futsal indoor, comme Urban Football, Le Temple du Foot, Soccer 5, le Five ou encore Padel & Foot en Alsace, cherchent à attirer les cadres des entreprises environnantes ?
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5// Les prestataires qui "vendent du bien-être"
La genèse de ces sociétés spécialisées dans le bien-être est suffisamment criante pour en faire une catégorie à part. Quelques sociétés se focalisent sur les activités physiques comme facteurs de bien-être avec une forte dimension "santé". Citons, pour rappel, Wellness Training qui mise sur cette particularité pour se démarquer de la concurrence (comme Well Ideas, une société « spécialiste de la relaxation en entreprise »).
6// Les certificateurs
Great Place to Work et Top Employeurs apparaissent comme les témoins privilégiés de l’évolution des conditions de travail.
Le premier est créé en France en 2002, un an après la genèse du Great Place To Work Institute Europe, qui s’était vu confier la mission d’établir le palmarès des « 100 Best Workplaces Europe » par la Commission Européenne. Connu pour éditer, en partenariat avec Le Figaro, un palmarès national et annuel des entreprises « où il fait bon travailler », l’institut décerne tous les ans des prix aux employeurs les plus méritants.
Son principal challenger, Top Employeurs, appose également son sceau – un label également recherché par les entreprises soucieuses de communiquer sur le marché interne du recrutement – censé garantir que l’entreprise en question offre des « conditions exceptionnelles à ses collaborateurs » et « applique les critères d'excellence les plus élevés en matière de conditions de travail ». Mais ici, c’est surtout « l’environnement RH » qui fait l’objet d’un examen.
Le mouvement sportif
Fédérations unisport, fédérations multisports, comité national olympique et sportif français (CNOSF) : le mouvement sportif compte, lui aussi, différents acteurs susceptibles de proposer des prestations de services aux salariés. Elles ont beau avoir un statut associatif et être des structures juridiques non marchandes, les fédérations n’en revendiquent pas moins la possibilité d’inscrire à leurs catalogues des activités attractives à destination des entreprises, se livrant parfois une réelle concurrence, même si elles s’en défendent souvent.
1// Les fédérations multisports et affinitaires
Synthétisées sous la forme d’abréviations complexes voire, au mieux, d’acronymes méconnus du grand public, les fédérations multisports et affinitaires n’ont pas vocation à développer une discipline sportive plus qu’une autre. Elles ne sont pas missionnées par le ministère, à l’inverse des fédérations unisport (dites olympiques ou délégataires, voir ci-après), pour promouvoir une pratique sportive en particulier et laissent volontiers la quête de la performance aux fédérations unisport.
2// Les fédérations unisport olympiques
Promotrices officielles de la (voire des) discipline(s) sportive(s) qu’elles ont la charge de développer et d’encadrer, les fédérations unisport bénéficient pour la plupart d’un agrément ministériel. Leur fonctionnement est encadré par une convention d’objectifs qui les pousse à développer leur(s) pratique(s). Soucieuses d’étendre leur panel de licenciés et de s’ouvrir à différentes populations – hommes et femmes, du plus jeune au plus âgé, des valides aux handicapés, des sportifs amateurs aux compétiteurs –, elles entendent bien investir l’univers de l’entreprise. De nos jours, sur les 31 fédérations olympiques unisport membres du CNOSF, 19 développent une offre spécifiquement orientée vers la sphère professionnelle et ses salariés. Elles sont donc plus de la moitié (61 % exactement) à s’engager dans ce marché. Pour cela, elles utilisent différentes clés d’entrée : 1/ organisation de compétitions sous la forme de championnats réservés aux clubs d’entreprise ou à des salariés à titre individuel ; 2/ adaptation de leur pratique à l’espace atypique de l’entreprise (en axant sur le sport-santé par exemple) ; 3/ développement de la formation.
3// Le CNOSF
Principal représentant du mouvement sportif français auprès des pouvoirs publics, en particulier du ministère chargé des sports, le CNOSF regroupe et représente 96 fédérations sportives nationales, soit environ 180 000 associations sportives implantées sur tout le territoire. Délégataire d’une mission de service public, il a pour objectif de promouvoir la pratique sportive pour les élites mais aussi pour la masse. Depuis quelques années, il se tourne de manière croissante, voire insistante, du côté des entreprises. La convention signée avec le Medef en 2010 en constitue une parfaite illustration.
La volonté du CNOSF de se lier durablement avec le Medef traduit un triple besoin : 1/ entretenir ses relations commerciales avec ses partenaires existants ; 2/ s’ouvrir la possibilité d’en recruter d’autres et 3/ "meubler" les années non olympiques (si les partenaires du mouvement olympique ont de quoi se rassasier à l’occasion des Jeux Olympiques, les années creuses ne sont pas aussi animées et il faut bien trouver des alternatives pour les fidéliser).
Les organisations syndicales et patronales
Il existe différents niveaux d’ingérence des associations syndicales et patronales dans la pratique sportive au sein de l’entreprise. Leur implication varie selon les époques mais aussi selon les entités concernées.
1// Les organisations syndicales
Certaines organisations syndicales, comme la CFDT ou FO, s’immiscent très peu – voire pas du tout – dans la pratique sportive au travail. La CGT semble a contrario développer une vision plus « globale » du salarié qui ne se cantonne pas à son univers professionnel. Son objectif central, ainsi que l’indiquait la Charte d’Amiens (congrès de la CGT du 13 octobre 1906), est « l’accroissement du mieux-être des collaborateurs » (Andolfatto, Labbé, 2006). « On se focalise souvent sur les grandes entreprises qui ont un CE ; or, il y en a une majorité qui comprennent moins de 50 salariés », regrette Jean-François Davoust, le conseiller confédéral sport de la CGT. Il explique que son organisation réfléchit depuis longtemps à la mise en commun de la gestion d’équipements sportifs notamment pour les petites entreprises. La CGT défend une conception humaniste, sociale et progressiste de la pratique sportive. Elle milite pour une offre sportive adaptée qui s’adresse à l’ensemble des salariés de manière pérenne ; « les événements sportifs ponctuels organisés par les managers ne sont pas du sport en entreprise », clame Jean-François Davoust pour qui le fait de « donner un maillot aux couleurs de l’entreprise à un marathonien ne suffit pas ».
La CGT entend tisser des liens avec le mouvement sportif local et ne cautionne pas la consommation de services sportifs dans des structures privées qu’encourage l’arrivée des chèques sport par exemple. Elle condamne par ailleurs le « désengagement financier des entreprises au profit du sport spectacle » qui « amène les clubs et les comités d’entreprise à se séparer de leurs infrastructures, lesquelles reviennent souvent à la charge des collectivités locales qui supportent déjà majoritairement le poids financiers des activités physiques et sportives ».
2// Le MEDEF
De son côté, le Medef a créé en 2009 son « comité sport ». Composé d’une quarantaine de membres, il a notamment comme objectif de « sensibiliser le plus grand nombre sur l’impact macroéconomique positif de la pratique régulière d’une activité physique, notamment sur les dépenses de santé ». Une plateforme internet dédiée agrège les campagnes de communication de ce comité qui ambitionne de « faire du sport un levier de compétitivité équitable pour l’entreprise » (cliquez ci-dessous).
S’afficher comme un des acteurs chargé de la promotion – et donc quelque part de la gestion – du sport au travail est un des mobiles qui justifie l’engagement du Medef dans le sport. Il explique aussi la production, en partenariat avec le CNOSF, du « Guide pratique du sport en entreprise » afin d’inciter les employeurs à faire du sport un outil de management et de communication interne.
Le secteur public
Conscient des intérêts réciproques qui animent les acteurs du sport et de l’entreprise, l’État intervient, certes modestement, de différentes manières. Dès 2002, la mise en œuvre de la circulaire d'orientation sur le FNDS et de l'instruction du 19 juin 2001 sur le sport d'entreprise avait comme objectif d’encourager l'organisation d’actions sportives dans les entreprises pour les salariés et leurs familles. Des aides ont été apportées pour favoriser la genèse d'associations sportives interentreprises. La même année, l’arrêté du 29 avril 2002 scellait la création de la Commission permanente du sport en entreprise. Cette commission était chargée de donner un avis au ministère des Sports ou au CNAPS sur toutes les questions relatives aux activités physiques et sportives dans le monde du travail. En 2003, des actions de promotion en direction des femmes et des jeunes salariés en formation, notamment en apprentissage, ont été initiées.
Plus récemment, le ministère chargé des sports a lancé, en 2012, le plan national « sport santé bien-être ». Marisol Touraine et Valérie Fourneyron ont alors présenté une quinzaine de mesures destinées à promouvoir la pratique des activités physiques et sportives notamment en direction des « publics du monde de l’entreprise ». Depuis plusieurs décennies, l’État cherche en effet à stimuler les entreprises pour en faire des vecteurs de démocratisation de la pratique sportive, en prenant soin de ne pas cautionner toute forme d’instrumentalisation du sport. C’est pourquoi l’intervention de l’État-providence se réalise également sur le terrain législatif. Différentes lois relatives à l’organisation du sport en entreprise émergent de façon discontinue, s’adaptant à l’évolution du marché. En légiférant, l’État encourage la diffusion du sport dans le cadre de l’entreprise. Mais ces lois restent peu coercitives ; une lecture attentive des textes législatifs montre que les obligations incombant aux entreprises à ce sujet restent rares. En effet, si ces dernières sont désignées à plusieurs reprises, la partition qu’elles doivent jouer ne leur est dictée à aucun moment. La logique étatique est donc davantage de faire participer les entreprises à la démocratisation du sport en général qu’à assurer sa promotion au sein de l’espace de travail en tant que tel.